Retraites bien-être : séjours locaux et connexion à la nature
Yoga, méditation, danse, entraînement… Les séjours thématiques dans le domaine du bien-être connaissent une hausse de popularité. Ces retraites sont l’occasion de s’adonner à des activités physiques, mais aussi de prendre le temps de redécouvrir la nature.
Rédigé par Claire-Marine Beha, journaliste Milo
Camille Rouleau, fondatrice de Ballet Hop!, organise des retraites au Couvent Val-Morin depuis l’ouverture de son école de danse en 2016. La formule est polyvalente : du ballet, du yoga, un peu d’étirements et surtout pas mal de détente. Lors de ces séjours, les participantes – jusqu’à présent seules des femmes se sont inscrites dans ses retraites – sont libres de suivre les cours organisés ou bien de flâner au bord du lac Raymond.
Fondée en 2018, l’entreprise WETREAT, qui se spécialise en retraites de fitness et yoga, mise également sur l’équilibre entre sport et temps libre. Selon ses deux fondatrices, c’est là que réside le succès de ces expériences. « Il faut que les gens puissent aller se baigner, se reposer, marcher, profiter. On n’est pas là pour les surcharger non plus, relève la cofondatrice, Jeanne Dubé. L’essentiel, c’est de décrocher du quotidien et se retrouver dans un environnement naturel et inspirant. »
Plus local, plus éthique
Il y a encore quelques mois, plusieurs entreprises, dont WETREAT, organisaient des retraites à l’autre bout du monde. À cause de la pandémie, le Québec s’est imposé comme l’unique destination sécuritaire, ce qui ne déplait pas à plusieurs organisatrices ; Camille Rouleau estime pour sa part que les Québécois sont de plus en plus conscients de leur empreinte sur l’environnement. Un endroit où l’on peut se rendre au covoiturage, à une heure environ de Montréal, est plus simple et écologique que de se rendre à New York en avion, estime-t-elle : « On est proche de la ville alors on maximise aussi le temps de repos. C’est peut-être pas de la grosse découverte de paysages, mais c’est confortable et apaisant. »
La fondatrice de Ballet Hop! est particulièrement heureuse de pouvoir collaborer avec des producteurs et hébergeurs locaux. Dans les assiettes de ses « retraités », on trouve des repas végétariens ou végétaliens dont les aliments ont été cultivés sur place ; le terroir s’apprécie de toutes les manières possibles. Chloé Robertson, dont les retraites mélangent yoga, nature, rituels, méditations et mysticisme, abonde en ce sens : « J’aime connaitre les gens qui tiennent les endroits, leur mission, savoir ce qu’ils servent et promeuvent. J’encourage des valeurs similaires aux miennes. »
WETREAT a vu l’intérêt pour ses retraites bondir pendant le confinement. « Les gens veulent découvrir le Québec, constate Jeanne, ravie de cet engouement malgré l’arrêt de ses excursions dans les pays chauds. Et c’est vrai qu’on n’a pas besoin d’aller très loin pour se sentir dépaysé. Désormais, on vise une retraite chaque deux mois, voire mensuellement. »
Chloé Robertson et Camille Rouleau voient d’ailleurs le marché des retraites dans la province prendre de l’ampleur et se diversifier. Ce qui a commencé surtout avec le yoga et la méditation attire désormais des activités diverses comme le coaching, le développement personnel, l’écriture ou encore les sports nautiques.
Renouer avec le paysage
Mais l’élément le plus vendeur demeure la destination. « Le lieu est plus important encore plus que les activités, tranche Camille. On vend un genre de vacances! Si on faisait la même formule au centre communautaire de Saint-Henri, je ne suis pas sûre qu’on aurait le même résultat… » L’hébergement dans les Laurentides avec qui elle fait affaire chaque année lui paraît idéal pour accueillir un groupe : il est doté d’un design moderne et est niché dans un cadre enchanteur, une formule parfaite pour « vendre un peu de rêve ». « Ça a l’air niaiseux, mais c’est très Pinterest comme endroit! », s’amuse-t-elle.
« C’est une façon de voyager tout en restant dans son pays et de redécouvrir notre chez-nous différemment »
Chloé Robertson, qui travaille sous la bannière « Nature sacrée », est du même avis : « Je cherche des endroits où il y a une harmonie avec la nature. C’est pour ça que je reste au Québec : je trouve que c’est important de développer un lien d’appartenance avec la nature où l’on vit, pas juste d’en profiter ailleurs. C’est une façon de voyager tout en restant dans son pays et de redécouvrir notre chez-nous différemment ». Cette connexion au territoire est encore plus recherchée dans les retraites de marche qu’elle organise, où les participants séjournent dans des refuges sans connexion internet, ni eau et électricité. « Dans les retraites, il y a beaucoup de place pour la contemplation », souligne-t-elle.
Quant à Jeanne, les espaces investis par ses retraites varient au gré des saison « En été, on cherche des endroits à proximité de points d’eau, et en hiver et automne on va là où il y a de belles couleurs, des sentiers de rando ou des pistes de ski de fond. »
« Un petit luxe »
Généralement, le prix des retraites est tout de même dispendieux, tient à adresser Chloé. Cette dernière songe fortement à mettre en place un système de bourses ou un appel aux dons afin que les participants plus aisés puissent, sur la base du volontariat, aider des personnes à faibles revenus à s’offrir ces séjours. Le bien-être devrait être beaucoup plus accessible, selon elle.
Camille Rouleau explique d’ailleurs qu’elle vend sa retraite comme « un petit week-end de luxe », et elle espère que de plus en plus de personnes se rendront compte de la valeur du tourisme local. « On va être davantage appelé à voyager proche de chez nous avec la pandémie, et on sera aussi en mesure de dépenser un peu plus pour un séjour peut-être moins long, mais plus luxueux. Notre retraite coûte 500$ et pour ce prix-là certains partent dans le sud, mais dans des hôtels de moins bonne qualité, pour manger moins bien et souvent sans activités. Avec le même argent, au Québec, on a une qualité supérieure. Il s’agit de voyager moins, mais mieux… »
Les retraites permettent de diversifier les activités et revenus de Ballet Hop! durant sa saison plus tranquille, et la fondatrice souhaite continuer à les offrir car l’esprit d’équipe, l’ancrage local et le plaisir qui en découlent font partie des valeurs chères à son cœur – et à son entreprise.
Une tendance durable
Ces séjours sont-ils pérennes ou bien s’agit-il d’un effet de mode? Nos interlocutrices sont d’avis que les retraites vont être amenées à se développer davantage car la tendance du « self-care » bat son plein depuis cinq ans déjà. « Les retraites sont là pour rester, s’enthousiasme Chloé. Il y a sûrement un effet de mode, mais je pense qu’une réorientation sociale s’amorce vers un réel bien-être ; pas juste une consommation du bien-être mais une envie de clarté et d’équilibre. Le besoin de retourner à la nature est de plus en plus présent. »
Tandis que les heures de travail s’allongent et que le télétravail peut devenir aliénant, Sophie Latreille de WETREAT rappelle que les individus ont inévitablement besoin de sortir de la maison et de jouer un peu plus dehors. « Les retraites, c’est un service clef en main, il n’y a pas de casse-tête, dit-elle. Les gens travaillent assez fort, donc quand arrive le temps de planifier un moment pour soi, ils veulent se retrouver en communauté dans un environnement calme où tout est organisé. » Avec l’omniprésence des réseaux sociaux et des écrans, ces fins de semaine hors du quotidien proposent une déconnexion séduisante dont il ne reste plus qu’à profiter.
Photos : WETREAT / François Haché