Entretien avec Sophie Bourlard, fondatrice des Macarons de Sophie
Boutiques gourmandes à Québec. Hyperactive passionnée et ancienne secrétaire, elle a effectué une reconversion professionnelle à 180 degrés pour travailler un incontournable de la pâtisserie: le macaron!
Chez “Les macarons de Sophie”, on trouve des produits frais et locaux pour le plus grand plaisir des papilles. Recette incontournable ou parfum de saison, il y a toujours le petit gâteau parfait chez Sophie, qui se réjouit du chemin parcouru depuis ses débuts. Pour le Magazine M ta région, l’énergique cheffe d’entreprise se livre au jeu de l’interview et nous parle à cœur ouvert de son parcours, de ses produits et de sa famille
Avant toute chose Sophie, comment passe-t-on de la Belgique au Québec?
Mon mari et moi avions de beaux emplois en Belgique mais nous avions besoin et envie de changement. Et puis, il paraissait normal de vouloir donner le plus de chances possibles à nos 3 garçons pour le futur. Notre choix s’est porté sur Québec en 2012, et nous n’avons jamais changé de ville, simplement de secteur. C’est important de ne pas changer ses enfants d’école pour qu’ils puissent construire un cercle social et des repères, eux que nous avons déracinés à l’époque en quittant la Belgique.
Pour ma part, je suis fille unique et c’est compliqué pour le reste de la famille. Il y a toujours la difficulté de la distance, surtout dans les moments importants (décès, naissances, mariages…). Mais onze ans plus tard, nous sommes citoyens et nous avons fait un autre enfant en chemin. Nous sommes partis pour ne pas regretter, et je peux vous dire que l’on ne regrette rien!
D’où vient ta passion pour la pâtisserie?
J’ai toujours été très gourmande, très dent sucrée. Petite, je faisais des collages dans mes cahiers quand nous recevions des revues avec des recettes. À 13-14 ans, je me suis lancée dans ma première vraie réalisation qui était un gâteau au chocolat et tout le monde a aimé, même ma mère qui n’aimait pas le chocolat !
Par la suite, j’étais toujours la personne chargée du dessert pour les occasions familiales ou autres. Je dirais que le déclic qui a fait basculer les choses est l’arrivée de mon dernier fils et toute l’amplitude des saveurs locales découvertes depuis notre arrivée au Québec. J’ai un ami qui m’avait offert un livre dédié aux macarons et j’ai entrepris de me lancer dans leur confection. J’ai fait beaucoup, BEAUCOUP d’essais ! (rires) et j’embarquais mes plateaux de 50-60 pièces pour les collègues qui me servaient de testeurs. Au bout du compte, ce sont les gens qui ont fini par me convaincre de me lancer professionnellement et de monter mon business.
Tu es autodidacte, cela demande pas mal de travail et de détermination ! Quel a été ton parcours professionnel avant de lancer “Les macarons de Sophie”?
J’étais secrétaire en Belgique, dans un centre pour personnes handicapées. C’est un travail qui m’a fait grandir et m’a beaucoup apporté sur le plan humain. Une fois à Québec, en 2012, j’ai été agent administrative dans un cabinet d’architecte pendant 5 ans. Quand mon entourage m’a convaincu de me lancer avec mes macarons, je n’arrivais plus à me concentrer à la job (rires).
J’ai la chance d’avoir un mari qui a un bon salaire et j’ai donc pris un temps partiel pour pouvoir travailler mes recettes et créer l’entreprise en novembre 2016. Je vais être honnête, j’ai eu du mal à démarrer car je ne savais pas trop où j’allais, dans un métier que je ne connaissais pas, avec un énorme syndrome de l’imposteur. J’ai essuyé pas mal de refus et de portes fermées… l’estime de soi en prend un coup. Et puis, j’ai contacté la délégation Belge pour proposer mes produits sur le Marché de Noël Allemand de Québec et à partir de là, tout a augmenté. Il y a eu beaucoup de bouche-à-oreille autour des Macarons de Sophie et quand j’ai été contacté par Croisières AML, je me suis dit qu’il fallait du sérieux pour continuer. Notamment un plan d’affaires puisque je ne savais pas vraiment où je m’en allais avec ce projet de pâtisserie!
En ce sens, j’ai rejoint une cohorte dans un incubateur en agro-alimentaire en janvier 2019, avec 10 autres personnes. À l’incubateur, tu es accompagné de plusieurs coachs pour t’aider dans les différents domaines liés à la gestion d’une entreprise, notamment les finances. J’ai eu un mentor Chef Pâtissier qui m’a définitivement amené à un niveau professionnel et j’ai quitté la cuisine familiale, d’où je réalisais tous mes macarons, pour un espace sur le Grand Marché de Québec en juin 2019. Mon mentor m’a aussi mise en contact et en relation avec l’industrie, m’a amené sur des salons et m’a épaulé pour aller chercher des subventions.
Pendant la pandémie, nous avons ouvert la première boutique en ville, à Québec et depuis, ce n’est que du bonheur!
Même après 11 ans au Québec, retrouve-t-on de la Belgique dans ton travail?
Bien sûr!
Je ne travaille que du véritable chocolat Belge, cela va de soi pour moi. Niveau saveurs, je réalise des macarons au spéculoos ou inspirés du cuberdon, qui est un bonbon à base de framboise, typiquement Belge. Et puis, je dirais la rigueur et le savoir-faire.
As-tu une recette signature? Un macaron chouchou?
Déjà, il faut savoir que j’ai la même recette depuis le début. Je cuisine comme si c’était pour ma famille et cela n’a pas changé depuis 2016.
Le Macaron Caramel fleur de sel est notre meilleur vendeur, avec un caramel que nous préparons entièrement à la main. Tellement apprécié que nous avons même sorti des pots de caramel suite à la demande des clients.
Dans la gamme des macarons, on retrouve des classiques, mais aussi des saveurs de saison. A quoi ressemble le processus de l’élaboration d’une nouvelle recette?
Généralement, c’est très rapide. Avec mon équipe, on s’en parle quelques mois en avance pour voir si on lance telle ou telle recette. On se connaît très bien, nous sommes sur la même longueur d’ondes, les gestes sont fluides et on débute les essais et préparatifs un mois avant la sortie du produit. Je travaille avec 2 pâtissières extraordinaires, l’une vient de France avec beaucoup d’idées et d’expérience, et l’autre vient de terminer sa formation de Pâtisserie du terroir, axé sur les saveurs locales. Il y a beaucoup de communication entre nous, l’humain est très important pour moi.
J’ai la chance d’avoir toujours été présente au Grand Marché de Québec et je suis beaucoup en lien avec les producteurs locaux. J’essaye de toujours chercher local quand c’est possible, pour toute ma gamme.
Tes macarons sont sans additifs alimentaires, c’est-à-dire que leur couleur est naturelle. Quel est le secret de leur teinte parfaite?
Le macaron est un produit très compliqué et apporter un élément naturel, c’est beaucoup de travail. Cependant, c’était essentiel pour moi dans la vision et les valeurs que je voulais apporter à la confection de mes pâtisseries. Pour donner un exemple, le macaron Camerise est coloré avec du chou-rouge et ainsi de suite pour toutes les recettes.
À titre d’information, dans 1 demi-macaron “flashy” que l’on trouve dans le commerce, cela dépasse la limite autorisée de produits improbables à la consommation pour les enfants. J’explique régulièrement à mes clients, surtout corporatifs, ce que j’utilise comme produits de la nature et que non, je ne ferais rien de chimique. Il y a beaucoup d’éducation à faire, mais le jeu en vaut la chandelle!
Pour l’automne et spécialement Halloween, que vont trouver les clients dans tes boutiques?
Nous allons travailler la courge et les épices d’automne, à la fois en taille standard, mais aussi pour les macarons gourmets, qui sont le plus gros format.
Il y a des surprises, de la créativité et pas mal de petits personnages qui s’en viennent!
Tu proposes un service de macaron personnalisé. Est-ce que l’on peut dire qu’il y a un macaron pour chaque occasion?
Absolument pour toutes les occasions ! (rires)
Que ce soit pour des clients particuliers avec un anniversaire, une naissance ou un mariage par exemple, mais aussi pour le corporatif. Récemment nous avons eu une commande d’un client américain pour un évènement au Château Frontenac. Je travaille beaucoup avec le restaurant Le Capitole et l’hôtel Le Nomade. Le corporatif avec image imprimée amène une clientèle de particuliers et vice-versa.
Sur le site internet des Macarons de Sophie, je remarque que tu es accompagnée sur la photo de présentation d’un jeune homme avec tes traits… Travailles-tu en famille?
Thomas, mon aîné, est né le jour de la fête du macaron ! Si ce n’est pas un signe ! (rires)
Il a travaillé avec moi en 2019, en production, sur le corner du Grand Marché de Québec. Aujourd’hui, à 24 ans, il s’occupe de la boutique rue Maguire. Antoine et Simon sont également impliqués, ils m’aident pour les livraisons et ils sont sur le Marché de Noel Allemand à Québec chaque année. Le dernier, Maxime, va avoir 10 ans, parle déjà de saveurs comme un professionnel et répète souvent qu’il veut “travailler avec Maman plus tard”. J’ai 4 garçons investis dans l’entreprise familiale et j’en suis très heureuse. Et puis, de toi à moi, les macarons marchent plutôt bien avec les filles… ! (rires).
Pour ce trimestre (octobre-novembre-décembre), vas-tu participer à des événements à Québec sur lesquels peuvent te retrouver les gourmands?
Nous allons participer, pour la sixième année consécutive, au Marché de Noël Allemand. En novembre, la ville organise le salon Créafolie pour les artisans de la ville et nous y serons. De même que nous répondons à l’appel à chaque fois que le Grand Marché fait quelque chose de spécial.
Les boutiques sont bien sûr toujours ouvertes pendant ce temps-là.
Aujourd’hui, il existe 3 boutiques à Québec. As-tu d’autres projets en cours?
Je ne sais pas rester en place donc il y a toujours des projets ! (rires)
Disons que je m’envole pour Paris au mois de janvier, mais je vais tenir le secret d’ici là…
Quel regard portes-tu sur le chemin parcouru depuis le début de l’aventure en 2016?
Quand je regarde dans le rétroviseur, je suis épatée de ce que j’ai réalisé. Je ne t’aurais pas cru si tu m’avais dit ça à l’époque. C’est aussi grâce à mes collaborateurs, à mes clients et à mes supers employés, je suis très bien entourée.
Cependant, il ne faut pas balayer les difficultés car je me suis payée mon premier salaire qu’au mois de novembre 2020. Tu payes toujours d’abord tes employés, tes locaux, tes assurances et ensuite tu te vois pour te dégager un salaire.
Quels conseils as-tu envie de donner à quelqu’un qui n’ose pas se lancer dans une reconversion professionnelle?
C’est un peu cliché mais, Il faut aussi se dire : qui ne tente rien n’a rien, il vaut mieux avoir des remords que des regrets.
Je dirais de rester authentique, de ne pas copier et de ne pas trop écouter les conseils des autres. Dans le sens ou, ton business doit vraiment refléter tes envies et tes choix, même si la personne te dit qu’elle aurait fait autrement. Il faut suffisamment écouter les avis et les conseils, mais il faut aussi se dire qu’en tant qu’entrepreneur, on pense toujours différemment du canevas d’autres personnes.
Savoir suivre son instinct et se faire confiance, c’est important.
Merci Sophie pour cet entretien inspirant, je te laisse le mot de la fin…
Un grand merci M ta région, un bel ambassadeur local, avec qui nous sommes fiers d’être partenaire.
Un énorme merci à nos clients car, sans publicité et juste grâce au bouche-à-oreille, nos macarons voyagent de Québec à Vancouver! La vie est belle!