Entrevue : Le Bic vu par Colombe St-Pierre
La Cheffe de l’année 2019 aux Lauriers de la gastronomie québécoise est considérée par beaucoup comme le porte-étendard du Bic et de la région du Bas-Saint-Laurent. Une région dans laquelle Colombe a grandi, où elle a décidé de revenir s’établir avec sa famille en 2004 et dont elle défend âprement les richesses. Elle nous partage sa passion pour ce coin de pays depuis son quotidien virevoltant à son restaurant-cantine côtière-épicerie Chez St-Pierre.
Milo : Que représente le Bic pour toi?
Colombe St-Pierre : C’est mon Québec à moi. Le lien que j’entretiens avec cet endroit est un peu viscéral. J’ai été marquée par le fleuve, qui fait partie de mon imaginaire d’enfant puisque j’ai grandi sur une île [son père était gardien de phare à l’île Bicquette, ndlr]. J’adore les paysages côtiers, mais je trouve aussi l’arrière-pays et les montagnes des Appalaches magnifiques. J’ai voulu que mes enfants puissent eux aussi vivre dans ce décor.
Quel est le meilleur moyen de découvrir le Bic et la région environnante?
Ça doit être dû au fait que j’ai beaucoup voyagé, mais je dis souvent que je suis une fille de rangs. J’aime sortir des grands axes et partir sur les chemins sans destination fixe. Je suis un peu aventurière! Je m’organise des rides de char dans les rangs de mon coin et le long de la côte. Mais j’aime aussi beaucoup aller dans des parcs naturels. Mon préféré, c’est le Parc national du Bic [situé dans l’estuaire maritime du Saint-Laurent]. Pour le ski, je me rends au Mont-Comi, à 30 kilomètres au sud de Rimouski. Et pour vraiment vivre ce sentiment d’être seul au monde, si emblématique des grands espaces canadiens, on peut se rendre dans des réserves ou des pourvoiries, comme celle du Chasseur ou de Nicolas-Riou.
Le Bic est reconnu pour ses richesses marines, que tu invites souvent les Québécois à redécouvrir et à revendiquer. Où les trouve-t-on?
Quelques poissonneries me viennent en tête, comme la Poissonnerie Gagnon de Rimouski, qui fait de gros efforts pour se fournir en produits du coin. Aux Pêcheries de l’Estuaire et à la Poissonnerie Doucet, également à Rimouski, on peut se procurer plusieurs choses intéressantes, dont des bourgots (ou escargots de mer). Mais si on souhaite véritablement encourager l’achat local de ressources marines, je recommande chaudement l’initiative Manger notre Saint-Laurent, un site web sur lequel on trouve les enjeux et les adresses des commerces qui les encouragent [les Québécois ne consomment que 19% des produits du fleuve, le reste étant exporté à l’étranger, ndlr].
Qui dit grands espaces dit produits sauvages. Que nous conseilles-tu en la matière?
Je conseille tout d’abord aux gens d’être prudents. Beaucoup trop de personnes s’improvisent cueilleuses et peuvent détruire sans le vouloir les plantes fragiles que nous avons ici. Il vaut mieux faire confiance à des professionnels comme La Cabottine, qui pratique une cueillette éthique et respectueuse des écosystèmes. On peut rencontrer ces cueilleurs affirmés au Marché public de Rimouski [les samedis, du 30 mai au 31 octobre 2020, ndlr], un endroit idéal pour découvrir plein de petits artisans du coin.
Quels sont les producteurs et les artisans de bouche que tu nous recommandes dans ta région?
Ils sont assez nombreux, mais on ne les connaît pas toujours parce qu’on ne peut pas débarquer chez eux. J’invite les gens à découvrir mes fournisseurs sur le site web de Chez St-Pierre. Par exemple, la Ferme du Vert Mouton, spécialisée en légumes et en pousses biologiques, ou le Domaine du Virevent, une petite entreprise d’élevage et de transformation artisanaux de canards mulards. On peut également en croiser plusieurs dans les marchés publics locaux ou bien en découvrir une longue liste, dans tous les corps de métier, sur le site web Saveurs du Bas-Saint-Laurent.
Du côté des alcools, qu’offre globalement la région?
Nous avons beaucoup de bonnes bières ici, comme celles produites par L’Octant, une microbrasserie de Rimouski [qui propose une gamme de bières classique et quelques-unes plus extravagantes en série limitée, ndlr]. Chez St-Pierre, on travaille aussi régulièrement avec la Distillerie St-Laurent et son gin macéré avec des algues laminaires récoltées à la main au Bas-Saint-Laurent, ainsi qu’avec l’Hydromellerie du Vieux Moulin (les vins de miel de ce domaine agréable à visiter ont remporté plusieurs médailles).
En dehors de ses richesses naturelles et culinaires, le Bic est-il une terre de culture et de création?
Oui, tout à fait. Il y a dans la région plein de petites boutiques et artisans à découvrir. Par exemple, Chez Georges-Émile à Rimouski, on trouve des créations locales comme des bijoux ou des objets en céramique. Quant à la vie culturelle, personnellement, j’aime aller au Vieux-théâtre Saint-Fabien (une bâtisse patrimoniale de 200 places) et au Théâtre du Bic, à la programmation plus nichée.
Où se loge-t-on au Bic?
Tout dépend de ses envies et de son budget! L’offre est large. On trouve ici des super bed and breakfast, de belles auberges comme celle du Mange-Grenouille (qui fête ses 30 ans cette année), des chalets, etc. Mais selon moi, c’est le camping qui permet le mieux de profiter du coin.
Quel avenir touristique peut-on envisager pour Le Bic?
La région est déjà populaire en été. Elle est même un peu saturée cette année avec l’afflux inattendu de touristes québécois! Mais elle a certainement un potentiel de développement hivernal…
Photos : Colombe St-Pierre / Restaurant Chez St-Pierre