Entrevue avec Pierre-Olivier Pelletier et Cassandre Osterroth, co-fondateurs et co-propriétaires de Kebec Club Privé
Kebec Club Privé, huis clos gastronomique
Duo de Chefs à la ville, comme dans la vie, Pierre-Olivier et Cassandre sont à la tête d’un restaurant pas comme les autres. Dans le quartier Saint-Roch, à Québec, ils reçoivent sur un principe simple : 12 convives maximum, installés à la seule et unique table de l’établissement, profitant d’un menu-dégustation de 10 services. Magazine M ta région est allé à la rencontre des chefs d’orchestre aux commandes de cette expérience culinaire et sociale inédite. Bienvenue chez Kebec Club Privé!
Quelle est l’idée derrière l’expérience hors-du-commun d’un souper au Kebec Club Privé?
Cassandre – Partager la table avec des inconnus et vivre un vrai moment de convivialité. À moins de faire une réservation pour 10 personnes, vous allez être attablé avec des personnes que vous ne connaissiez pas il y a encore 1h. Très souvent, après deux ou trois services, les gens placotent comme de bons amis. C’est vraiment ce qui nous tient à cœur : recevoir comme à la maison et que les gens échangent.
Pierre-Olivier – ll y a eu des soirées où les clients se parlaient moins car il y avait moins de monde à table, mais c’est aussi l’enjeu d’avoir un petit restaurant. Dans ce cas, cela n’enlève rien à l’expérience culinaire, l’ambiance est simplement plus proche de celle d’un restaurant gastronomique “classique”.
Pourquoi aviez-vous envie d’écrire “Kebec” et non “Québec”?
Pierre-Olivier – Autrefois, la ville a été nommée du mot de la nation Algonquin “Kebec” qui signifiait l’endroit où le fleuve se rétrécit, en l’occurrence le Saint Laurent. Pour nous, c’était symboliser l’idée de revenir aux origines, aux racines.
Le nom du restaurant peut sonner exclusif, voir élitiste. Quelle est la bonne l’interprétation à faire du mot “privé” ?
Pierre-Olivier – Pour nous, c’est plutôt le côté “privatif”. En toute franchise, nous voulions recréer l’ambiance des clubs privés de l’époque dans le sens où, une fois que nos convives sont sur place, il n’y a qu’un seul service. Une fois que c’est lancé, à 19h, personne ne va venir interrompre le moment. On fait en sorte de constituer un cocon de 19h à minuit, parfois jusqu’à 2h du matin. Nous sommes entre nous, en soirée privée. D’ailleurs, il n’est pas rare que la soirée tarde car, bien sûr, on ne pousse personne dehors! Nous sommes vraiment ravis parce que les gens reviennent et il y a un lien, une proximité qui se créer. Cela devient comme des groupes de gens qui aiment manger (rires).
Vous êtes sur tous les fronts! Cuisine, service, sommellerie, cocktails et plus encore. Quel aspect de votre métier aimez-vous le plus?
Cassandre – Notre premier amour, c’est la cuisine. C’est ce qui nous passionne en premier lieu, mais y a des avantages dans chaque aspect de notre activité.
Pierre-Olivier – Personnellement, j’adore l’art de la table. Je prends beaucoup de plaisir à recevoir, mettre les gens à l’aise, les accueillir comme à la maison.
Le menu change régulièrement. Toutefois, est-ce que vous avez un produit fétiche?
Cassandre – Effectivement, notre menu change toutes les trois semaines. Je ne parlerais pas de produit fétiche, mais c’est vrai que l’on aime particulièrement travailler les fruits de mer et l’arôme naturel de foin.
Pierre-Olivier – Notre cueillette aussi! On s’en va trouver des merveilles en forêt toutes les semaines pour incorporer à nos plats.
Comment sourcez-vous produits?
Cassandre – Pour les alcools et le vin, les importateurs viennent vers nous directement. Pour le reste, on fait nos courses nous-mêmes, on ne travaille pas en livraison. On aime ça aller rencontrer les maraichers du Grand Marché de Québec. Certains viennent nous trouver directement au restaurant parfois. Quoiqu’il en soit, on tient à créer une relation de proximité, comme avec nos clients. Et puis le dénominateur commun est le même : nous cherchons la rareté et les produits d’exception.
Le menu disponible en ligne est très succinct, c’est assez différenciant des grandes tables gastronomiques…
Pierre-Olivier – Honnêtement, cela se perd de mode de faire des descriptifs galvaudés pour le menu. Chez nous, on garde la surprise de bout en bout pour les invités. Il n’y a pas de menu, ce qui apporte de la curiosité car ils ne savent pas ce qu’ils vont manger! Lors du service, on vient décrire ce que l’on présente. En fin de soirée, ils repartent avec une version papier du menu dégusté, en rappel de cette soirée passée ensemble.
Quel délai d’attente faut-il prévoir pour avoir la chance de s’attabler chez Kebec Club Privé?
Pierre-Olivier – Tout d’abord, il faut savoir que les clients peuvent réserver 3 mois à l’avance. Sur la période printemps-été, il y a peu d’attente car comme notre clientèle est locale et non touristique pour le moment, les demandes sont raisonnables. Il est tout à fait possible de réserver d’une semaine sur l’autre. L’hiver est beaucoup plus achalandé, il faut compter 1 mois d’attente pour les réservations individuelles et environ 2 mois pour les réservations de groupes.
Si on considère cette notion de partage qui vous est chère, privilégiez-vous les réservations de particuliers VS les groupes?
Pierre-Olivier – Non, car c’est une expérience tout aussi sympa de venir avec ses amis ou collègues pour une occasion particulière. En laissant les réservations aller, les choses ont pris une sorte de rythme naturel : il y a souvent une journée par semaine avec des groupes et le reste des soirées, ce sont des individuels. Cela monte en période du temps des Fêtes car nous avons des réservations pour les partés d’entreprise.
Cette aventure, c’est aussi l’histoire de votre rencontre. C’était à quelle occasion?
Pierre-Olivier – Je suis originaire de Saint-Éloi et j’ai réalisé ma formation professionnelle au Pavillon-de-l’Avenir à Rivière du Loup, dans le bas Saint-Laurent. C’était un cursus axé sur les produits du marché, les produits locaux. Après cela, j’ai travaillé 4 ans à Sherbrooke, puis à Québec dans plusieurs établissements. C’est dans les cuisines du Laurie Raphael que j’ai rencontré Cassandre!
Cassandre – Je faisais mes études en France et j’ai atterri au Laurie Raphael grâce à un concours. J’ai participé à une compétition “France-Québec” et le gain était un stage tout frais payé au restaurant Laurie Raphael. Disons que je ne suis jamais repartie! (rires).
Vous avez tous les deux moins de 30 ans et vous représentez “la relève” de la gastronomie Québécoise. Qu’est-ce que cela signifie à vos yeux?
Pierre-Olivier – On ne se dit pas qu’on va changer le monde, mais on a l’ambition de faire passer le meilleur des moments chez nous et c’est déjà bien! C’est certain qu’il y a une pression qui est toujours présente car nous changeons nos menus régulièrement, il ne faut pas se louper surtout que nos clients ont toujours entendu parler de nous avant de venir. Nous continuons de faire des plats qui nous donne envie, qui nous font plaisir. Les clients ressentent cette démarche et sont très contents la majorité du temps.
Depuis l’ouverture du restaurant en novembre 2019, quel regard vous posez sur le chemin parcouru?
Cassandre – Forcément, avec une ouverture 3 mois avant la Covid, nous avons stoppé dans l’élan. Malgré cela, le restaurant est en constante évolution, chaque année l’achalandage s’en vient un peu plus et on sur le bon chemin pour atteindre nos objectifs. Quand on regarde les plats de nos débuts, on se dit souvent que l’on ne ferait plus les choses de la même façon, mais d’une manière générale, c’est un bilan positif!
Qu’est-ce qui vous a convaincu de rejoindre l’aventure M ta région et de devenir partenaire?
Pierre-Olivier – Pour être franc, on sortait d’une autre plateforme et ça ne se passait pas super bien. On a beaucoup aimé le côté découverte chez M ta région car les gens viennent pour la première fois et sont là pour vivre une expérience. Nous aimons aussi l’idée de faire partie d’un réseau local et mettre le Québec en valeur. Nos valeurs communes concordent bien.
On nous chuchote dans l’oreillette que Pierre-Olivier va représenter le Canada lors d’une compétition internationale de cuisine. Ce n’est pas rien!
Pierre-Olivier – Effectivement, nous fermons le restaurant du 1 au 6 octobre car nous allons à Milan pour le concours “San Pellegrino Young Chef Academy”. Pour les chefs de moins de 30 ans comme moi, c’est une grosse compétition. Tous les ans, San Pellegrino dresse le classement des 50 meilleurs restaurants du monde et organise ce concours pour les jeunes chefs, étalé sur 2 années. J’ai eu le titre à Toronto l’an dernier avec mon plat.
Cette année, nous sommes 15 sélectionnés et on se rend à Milan en octobre pour la seconde épreuve. Le prix, c’est le réseautage derrière! Les meilleurs Chefs du Monde sont présents avec l’envie de nous encadrer, de nous faire briller, à travers une compétition mondiale. On le fait ensemble avec Cassandre, comme tout dans la vie. On y va à deux, même si c’est moi qui participe à titre individuel pour le Canada. Je le fais pour moi c’est certain, mais je vais être très heureux de faire rayonner le Québec sur la scène gastronomique mondiale.
Merci à vous deux pour cet entretien et bonne chance à toi Pierre-Olivier!