Tour du Québec

Le temps des sucres en plein été

La pandémie a beau avoir eu raison du temps des sucres en mars dernier, plusieurs érablières ont décidé d’ouvrir leurs portes en pleine saison estivale pour ravir les amateurs de sirop d’érable.

« On avait quand même une grande clientèle qui n’a pas eu la chance de venir », explique d’emblée Claude Charbonneau, propriétaire de la cabane à sucre Lalande à Saint-Eustache. Alors qu’il avait prévu à l’origine accueillir les visiteurs seulement pour un mois cet été, il a décidé d’étendre la période d’ouverture de son établissement jusqu’à l’Action de grâce.

L’Érablière du Village, située à Compton en Estrie, a également ouvert ses portes. Ses nouveaux propriétaires en étaient à leur première année d’exploitation lorsque le gouvernement du Québec a ordonné leur fermeture temporaire. « On estime que ça a fait perdre environ 95% des réservations », calcule Maximilien Leblanc, copropriétaire de l’établissement.

S’il envisageait déjà d’ouvrir son érablière en été, la pandémie aura précipité ses plans. « Le projet qu’on a monté, on l’avait déjà dans les cartons. Quand on a acheté, on était très intéressés à essayer de pousser au maximum l’investissement qu’on venait de faire parce qu’on aime beaucoup la ressource qu’est le sirop d’érable », souligne-t-il.

La cabane en terrasse

L’expérience de la cabane à sucre en saison chaude reste similaire à celle traditionnellement vécue au mois de mars ; les clients peuvent néanmoins compter sur le beau temps pour savourer leur assiette à l’extérieur. « La seule différence est qu’on a l’avantage de pouvoir manger sur la terrasse avec des fleurs et des fontaines », illustre Claude Charbonneau. Nature oblige, il n’est pas non plus possible d’observer la sève des arbres couler ou d’assister au processus de fabrication du sirop d’érable. 

Certaines érablières possèdent aussi l’équipement nécessaire à la fabrication de neige afin que les visiteurs puissent tout de même manger de la tire. « La tire, ça reste bon même l’été. On a de la belle neige qu’on fabrique pour pouvoir faire ça et que le monde puisse venir se sucrer le bec même en plein mois de juillet », explique Rose Boissonneault, directrice de l’érablière Le Chemin du Roy, déjà ouverte en été depuis plusieurs années. 

L’Érablière du Village a quant à elle décidé de s’écarter des plats traditionnellement offerts dans les cabanes à sucre pour proposer un menu sur le thème de l’érable et en utilisant des produits de la région. « On essaie d’avoir des menus relativement simples, qui pourraient s’apparenter à la nourriture qu’on peut trouver dans les food trucks ou les bistrots », résume Maximilien Leblanc. La carte inclut entre autres des corn dogs panés à l’érable, un burger végétarien avec végépâté maison et même une crème glacée servie dans une crêpe frite.

Pour se rendre sur le site, nul besoin de réserver. « Les gens peuvent venir, choisir un menu tout simplement avec leur famille et s’installer à une table à pique-nique », précise Maximilien. 

« On n’a pas vraiment la même clientèle qu’on aurait si on opérait de manière traditionnelle. »

Une clientèle renouvelée

Si d’ordinaire les cabanes à sucre ouvertes en été attiraient surtout les touristes, ces derniers ont désormais laissé leur place à une clientèle locale. « Normalement, un Québécois va venir à la cabane à sucre seulement dans le temps des sucres », constate Rose Boissonneault, qui estime que sa clientèle habituelle est presque 100% touristique durant la saison chaude. « On offre l’expérience de cabane à sucre à l’année pour que les gens qui viennent nous visiter puissent comprendre ce qu’est notre folklore et comment on fabrique le sirop d’érable. »

Pour sa part, Claude Charbonneau constate que son site accueille actuellement surtout des familles. « Au printemps on a beaucoup de compagnies, d’écoles, des clubs d’âge d’or, qui présentement sont fermés », énumère-t-il. Avec son menu nouveau genre, Maximilien Leblanc observe quant à lui que la clientèle qu’il reçoit est surtout composée de gourmets. « On s’était dit que les milléniaux seraient intéressés parce qu’on parle vraiment aux foodies, dit-il. On n’a pas vraiment la même clientèle qu’on aurait si on opérait de manière traditionnelle. »

Des projets à longueur d’année

Pandémie ou non, Maximilien espère garder sa cabane ouverte trois saisons sur quatre. En plus des promenades en forêt et d’explications sur les méthodes de fabrication du sirop, il compte peaufiner son menu pour se distinguer des autres érablières. « Ici, on veut essayer de faire les choses un peu différemment, de mettre de l’avant le côté gourmand du sirop d’érable. On va probablement modifier notre approche au temps des sucres l’an prochain », prévoit-il. 

L’incertitude liée à la pandémie le forcera néanmoins à adapter son offre : « Je ne suis pas certain qu’on va pouvoir s’amuser à paqueter la salle et rentrer tout le monde bien serré », croit-il. Il envisage de réduire le nombre de gens et d’augmenter légèrement ses prix, afin de « permettre d’offrir aux gens un menu plus intéressant que dans la cabane traditionnelle ». Claude Charbonneau ignore s’il récidivera l’été prochain, mais croit que ça dépendra de la reprise ou non des mariages et des autres activités habituellement tenues dans son érablière durant la saison estivale. En attendant, il envisage l’avenir un jour à la fois. 

Rose Boissonneault estime également qu’il est trop tôt pour prévoir de quoi auront l’air les prochains mois. « Notre décision par rapport au temps des sucres sera prise en temps et lieu au moment où les règles du moment vont être annoncées », projette-t-elle. Elle désire néanmoins pouvoir continuer à transmettre son amour du sirop d’érable à ses visiteurs : « C’est sûr qu’on espère pouvoir continuer à apprendre ce qu’est le sirop d’érable aux internationaux, mais aussi de faire en sorte que les locaux soient de plus en plus intéressés à venir à la cabane à sucre en toute saison! »

Photos : Érablière Le Chemin du Roy