L’autocueillette, bon plan local et gourmand
L’autocueillette, qui consiste à se rendre jusqu’à une ferme et à y cueillir ou y déterrer des légumes et fruits, est de plus en plus populaire. Qu’est-ce qui explique cette tendance? Qu’apporte-t-elle à ses participants et aux agriculteurs qui les reçoivent? Et surtout, comment procéder pour devenir un as de l’autocueillette?
Photo : Jimmy Vigneux/Tourisme Lanaudière
Depuis la parution en 2017 du livre Prenez le champ! (Éditions de l’Homme), Julie Aubé est devenue pour le grand public l’experte incontestée de l’autocueillette, dont elle a fait un art de vivre. « Je n’ai rien contre les dégustations organisées dans les boutiques des fermes, mais à mes yeux, c’est un peu comme du magasinage de terroir. Alors que l’autocueillette, c’est une belle façon de prolonger son séjour sur une ferme, et c’est surtout une activité pleine de sens. » Pour beaucoup de Québécois, l’autocueillette se résume encore à une activité distrayante. « Et ils ont parfaitement raison », avance Julie, qui souligne le côté convivial, ludique et accessible de se rendre en famille dans les champs armé de sacs, de petites caisses en bois ou carrément de brouettes.
Mais que gagne-t-on à pratiquer plus régulièrement l’autocueillette? Ce qui vient automatiquement en tête, c’est la santé, car les fermes qui en proposent sont souvent biologiques et offrent une traçabilité directe des fruits et légumes que l’on récolte. En posant ce geste, on encourage nos agriculteurs et notre environnement. « Mais il y a encore d’autres bienfaits à cette activité, souligne Julie. Elle change par exemple notre relation avec les aliments et ceux qui les produisent. En cueillant soi-même des fraises dans les champs, on se rend compte à quel point ce travail peut être exigeant. On savoure alors bien plus les produits et on prend conscience de la notion de gaspillage alimentaire. »
L’auteure mentionne également le caractère éducatif de cette activité, notamment auprès des jeunes : « Ça leur permet de développer leur culture agro-alimentaire, de comprendre que les aliments ne poussent pas dans un supermarché et n’apparaissent pas par magie sur une assiette. » Une observation partagée par Florence Lefebvre, de la ferme Campanipol, non loin de Trois-Rivières, qui propose des fraises à l’autocueillette depuis une quinzaine d’années : « Notre métier, c’est de produire – Campanipol vend 45 variétés de fruits et de légumes – mais notre mission éducative nous tient aussi à cœur. On aime montrer à nos visiteurs notre métier et leur faire redécouvrir l’agriculture. »
Photo : Tourisme Lanaudière
Diversité au menu
Hugo Bourdelais, de la ferme du même nom dans Lanaudière, spécialisée dans la culture de petits fruits, a réalisé depuis son implication à plein temps dans l’affaire familiale en 2017 à quel point les consommateurs ignoraient tout ou presque des produits qu’ils mangeaient au quotidien : « La plupart des gens pensent encore qu’il n’existe qu’une seule sorte de framboise ou de bleuet, alors qu’on en a une grande gamme au Québec. » À la Ferme Bourdelais, il est notamment possible de se procurer en autocueillette treize variétés de framboises aux couleurs, saveurs et textures très différentes les unes des autres. « Ça nous permet d’attirer l’attention sur des cultures moins connues. Et les gens sont vraiment curieux! Ils posent des questions et goûtent des petits fruits qu’ils n’ont jamais vus ou utilisés. C’est un contact humain très important pour nous. »
Fraises, framboises, bleuets, pommes, courges et citrouilles, piments, oignons… Contrairement à la croyance populaire, la diversité ne manque pas pour faire de l’autocueillette à travers le Québec. Marjolaine Beauregard, quatrième génération à la tête du Potager Mont-Rouge, entièrement dédié à cette activité en Montérégie, peut en témoigner. On récolte effectivement sur place au fil des mois une centaine de variétés de tomates, ainsi que des aubergines, des poivrons, des pommes de terre sucrées, de la rhubarbe, des cucurbitacées et toutes sortes de fruits. « Notre force, c’est notre diversité et notre originalité, explique-t-elle. Les gens viennent souvent ici pour une chose, mais ils en repartent avec beaucoup d’autres dans leur coffre. L’effet de surprise est tout le temps au rendez-vous! »
Manger local à l’année
Peut-on vraiment se nourrir tout au long de l’année grâce à l’autocueillette? Julie Aubé le croit fermement. « Certains disent qu’ils manquent de temps, que ça coûte plus cher ou qu’ils n’ont pas un congélateur assez grand. Mais en réalité, l’autocueillette permet de se nourrir sainement et à peu de frais tout le temps. Et je vous le promets, il n’est pas nécessaire de lâcher sa job pour adopter ce mode de vie! »
Pour illustrer ses propos, l’entrepreneuse a d’ailleurs récemment publié un second livre, Mangez local! (Éditions de l’Homme), en parfaite continuité avec les 21 escapades gourmandes proposées dans le précédent. « Mangez local! s’adresse à toutes les personnes qui veulent intégrer le local à leur menu quotidien, mais qui ne savent pas trop comment s’y prendre », explique-t-elle. Du mois de mai à celui d’avril de l’année suivante, Julie dresse donc un portrait de ce qui peut être cueilli, transformé et, bien sûr, dégusté. Une vraie bible pour les convaincus et même ceux qui hésitent encore.
Photo : Potager Mont-Rouge
Les 10 commandements du bon cueilleur
1. Avant de partir, tu t’informeras
L’autocueillette est, comme l’agriculture, soumise aux lois de la nature. Il est donc possible que selon les régions, le temps de l’année, la météo (et les règles imposées par la COVID-19) vous ne puissiez pas avoir accès aux fruits et légumes que vous convoitez. Alors informez-vous directement auprès des fermes avant de prendre le volant.
2. Un bon GPS, tu auras
Se perdre dans les rangs et les chemins de campagne, c’est poétique, mais rentrer chez soi bredouille, c’est frustrant. Aussi, prévoyez votre GPS dans la voiture, chargez votre cellulaire ou emportez une carte routière.
3. Les intempéries, tu prévoiras
Le coupe-vent et les bottes de caoutchouc sont les incontournables de l’autocueillette. Il fait en effet souvent plus froid à la campagne qu’en ville, surtout le soir. Et devoir cesser son activité à cause d’une averse, ce serait dommage n’est-ce pas?
4. D’argent, tu disposeras
Plusieurs fermes n’acceptent pas les cartes Interac et de crédit, même en temps de COVID-19. Il est donc recommandé d’avoir de l’argent liquide sur soi.
5. Manger, tu planifieras
Partir pour la campagne, c’est faire le plein d’air pur et de nature! Donc profitez-en pour pique-niquer en emportant une nappe et de la vaisselle réutilisables, un ouvre-bouteille et des verres si vous voulez trinquer, et en achetant au besoin quelques produits artisanaux du coin. Plaisir assuré.
6. Raisonnable, tu seras
Ce n’est pas parce que le fruit de votre récolte s’achète au poids à des tarifs souvent très abordables qu’il faut vous montrer trop gourmands. Si vous ne prévoyez pas de faire des conserves, de congeler ou de donner une partie de votre cueillette, il est inutile de surcharger vos paniers ou vos sacs.
7. L’imperfection, tu comprendras
Contrairement à ce que les supermarchés nous laissent croire, les fruits et les légumes ne sont pas toujours identiques. Mais même plus petits ou moches ils sont délicieux, alors ne vous arrêtez pas à ce détail.
8. À l’environnement, tu penseras
Si on fait cohabiter l’autocueillette avec des sacs et des bouteilles en plastique, on n’a pas vraiment compris le principe écologique de cette activité. On vous recommande donc de vous procurer, si ce n’est déjà fait, des bouteilles isothermes et des sacs réutilisables qui vous suivront bien au-delà de votre sortie.
9. De temps, tu disposeras
Il faut de la patience et un peu d’huile de coude pour réaliser de l’autocueillette. Il est donc déconseillé de prévoir trop d’activités en même temps au cours de son excursion. Qui plus est, les fermes sont des endroits parfaits pour apprendre plein de choses sur l’agriculture et la région, alors n’hésitez pas à poser des questions aux fermiers qui vous accueillent.
10. Une glacière, tu emporteras
On fait toujours des trouvailles lorsqu’on part faire une escapade gourmande. Donc n’oubliez pas d’emmener une glacière et des blocs réfrigérants avant de prendre le volant!